333Chapitre XLes aides à la garde des jeunes
333
Chapitre X
Les aides à la garde des jeunes enfants
LES AIDES A LA GARDE DES JEUNES ENFANTS 335
_____________________ PRESENTATION_______________________
La branche famille a consacré en 2007 près de 13 Md€ aux aides à
la petite enfance, (10,9 Md€ de prestations soit 28 % du montant total des
prestations légales attribuées et 1,9 Md€ de dépenses d’action sociale). La
prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) constitue désormais la quasi
totalité de cette dépense. Créée par l’article 60 de la loi de financement de
la sécurité sociale pour 2004 en remplacement de différentes prestations
existantes350, la PAJE voulait répondre à deux objectifs :
- simplifier le dispositif d’aide à la garde des jeunes enfants grâce à
une prestation unique et à un allègement de la gestion ;
- permettre aux parents de choisir librement de garder eux-mêmes leur
enfant ou de le confier à des tiers en diminuant leurs contraintes
financières.
La montée en charge de la PAJE est intervenue dans un contexte de
hausse de la natalité. Déjà perceptible depuis 2000, celle-ci s’est encore
accrue depuis 2003 pour atteindre 816 500 naissances en 2007, chiffre
jamais égalé depuis 25 ans à l’exception de l’année 2006.
Quatre ans après l’engagement de cette réforme351, la Cour a voulu
vérifier dans quelle mesure et à quel coût les objectifs précités de
simplification et de libre choix tant d’activité des parents que de mode de
garde des enfants ont été atteints. Rétrospectifs, les constats qui suivent
devraient également permettre de nourrir les réflexions en cours en vue de
la mise en place maîtrisée d’un éventuel « droit de garde opposable ».
I - Un dispositif peu simplifié
A – Une prestation à multiples facettes
La PAJE est une prestation globale qui comporte un socle de base
et des compléments. Le socle est composé d’une prime de naissance
(855,25 €352 ) ou d’adoption (1 710,49 €) et d’une allocation de base
(171,06 €) versée mensuellement de la naissance de l’enfant à ses trois
ans. Ces trois allocations sont versées sous conditions de ressources.
350. Désormais codifiée aux articles L531-1 et suivants du code de la sécurité sociale.
351. Evoquée dans le rapport sur la sécurité sociale de septembre 2007, p. 55 et
suivantes.
352. Tous les montants indiqués sont ceux en vigueur au 1er juillet 2007.
336 COUR DES COMPTES
Peuvent s’y ajouter plusieurs compléments accordés en fonction du mode
de garde choisi par la famille :
- le complément mode de garde (CMG) « assistante maternelle » versé
aux parents d’enfants âgés de 0 à 6 ans faisant garder leur enfant par
une assistante maternelle (de 160 € à 375 € mensuels selon les revenus
pour la garde d’enfants jusqu’à trois ans et moitié moins au delà de cet
âge, montant auquel s’ajoute la prise en charge de la totalité des
cotisations sociales) ;
- le CMG « garde à domicile », versé aux parents d’enfants âgés de 0 à
6 ans faisant garder leur enfant à domicile par une personne rémunérée,
dont ils sont employeurs directs (de 160 € à 375 € mensuels selon les
revenus pour la garde d’enfants jusqu’à 3 ans et moitié moins au delà
de cet âge, montant auquel s’ajoute la prise en charge de la moitié des
cotisations sociales plafonnée) ;
- le CMG « structure », allocation forfaitaire versée lorsque les parents
recourent à une entreprise ou à une association prestataire de service
qui met à leur disposition une garde à domicile (montant de
l’allocation variant de 567 € à 784 € selon les revenus) ou une
assistante maternelle agréée (de 432 € à 648 €) ;
- le complément de libre choix d’activité (CLCA) pour les parents qui
ont arrêté ou réduit leur activité professionnelle pour élever leur enfant
de moins de trois ans. Le CLCA peut être versé dès le premier enfant
sans condition de ressources, mais dans ce cas il est versé pour une
durée maximale de six mois. Le montant du CLCA, pour les parents ne
percevant pas l’allocation de base, est de 530 € mensuels pour le
CLCA taux plein, versé en cas d’arrêt total de l’activité professionnelle
et de montants moindre en cas de travail à temps partiel. Pour les
parents percevant l’allocation de base, le montant du CLCA est réduit
du montant de cette allocation ;
- le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) mis en
place le 1er juillet 2006 pour les familles de trois enfants : son montant
est plus élevé que le CLCA (759 € pour les parents ne percevant pas
l’allocation de base, 588 € avec allocation de base) mais il est versé sur
une période plus courte. Il est servi sans condition de ressources à l’un
des parents d’au moins trois enfants qui cesse totalement son activité
jusqu’au mois précédant le premier anniversaire de l’enfant ou de
l’adoption. Ce choix est irréversible.
La PAJE n’est donc pas une prestation unique mais une appellation
qui regroupe des prestations de même nature que celles existant
précédemment. Sa création s’est accompagnée d’une évolution des
conditions d’ouverture des droits et d’une revalorisation du montant des
LES AIDES A LA GARDE DES JEUNES ENFANTS 337
prestations servies afin de permettre aux familles de choisir plus
librement le mode de garde de leur enfant.
Améliorations induites par la PAJE
Prestations PAJE Anciennes prestations Principales différences
Allocation
d’adoption/
naissance
Allocation de base
Allocation d’adoption
(AAD)
Allocation pour jeune
enfant (APJE)
Plafond de ressources relevé de 37 % par rapport à
APJE.
Prime de naissance versée en une seule fois au
7ème mois de grossesse.
Suppression de la mécanique différentielle de l’APJE.
CMG-AM
Aide à la famille pour
l’emploi d’une
assistante maternelle
agréée (AFEAMA)
Plafonds de ressources et montants versés fortement
augmentés par rapport à l’AFEAMA : ainsi le plafond
de la première tranche passe de 17 593 € par an à
19 225 €. Le montant versé au dessous de ce seuil
passe de 109,34 € à 374,75 € par mois. Dans les deux
cas il y a prise en charge des cotisations sociales.
CMG- garde à
domicile
Allocation de garde
d’enfant à domicile
(AGED)
Versement d’une aide aux familles comme pour le
CMG-AM en plus de la prise en charge, comme par
l'AGED, d’une partie des cotisations sociale mais de
façon plus avantageuse
CLCA
COLCA
Allocation parentale
d’éducation (APE)
Comme pour l’APE, pas de condition de ressources.
Contrairement à l’APE, peut être versé dès le premier
enfant (si le parent a travaillé au moins 2 ans dans les
2 années précédentes).
A partir du 2eme enfant, les conditions d’activité
préalables sont plus restrictives que pour l’APE.
Revalorisation du CLCA versé dans le cadre d’un
travail à temps partiel : en cas de travail à 50%, le
versement mensuel passe de 350,92€ pour l’APE à
403,56 € (+15 %) pour la PAJE
Source : CNAF
La revalorisation du CMG « assistante maternelle » par rapport à
l’AFEAMA, l’augmentation du plafond de ressources pour l’allocation de
base et la prime de naissance/adoption, l’ouverture du CLCA aux parents
d’un premier enfant expliquent en partie la forte augmentation du nombre
des familles bénéficiaires des prestations de la PAJE. L’augmentation de
la natalité y a également contribué, comme le montre le tableau qui suit.
338 COUR DES COMPTES
Evolution du nombre de familles bénéficiaires des prestations petite
enfance
2003 2006 Taux de croissance
Prestations d’entretien
- allocation pour jeune enfant
-allocation de base
1 363 000
1 890 072
Compensation pour perte de
ressources
563 000 612 537 + 10 %
Aide à la garde d’enfants par
assistante maternelle
629 000 743 042 + 18 %
Aide à la garde d’enfants par
garde à domicile
53 000 58 455 + 10 %
CMG « structure » * - 1 352 P.M.
NB : ces chiffres intègrent l’ensemble des enfants de 0 à 6 ans.
*versé à des entreprises ou à des associations.
Source : CNAF
Conséquence de ces évolutions, le montant des prestations petite
enfance (PAJE et prestations antérieures) est passé de 8,1 Md€ en 2003 à
10,4 Md€ en 2006 et à environ 11 Md€ en 2007.
Montants des prestations petite enfance (tous régimes)
M€
2003 2006
Prestations Montant versé Prestations Montant versé
Allocation d’adoption 4,1 Allocation d’adoption 0,1
APJE 2 815,6 Prime adoption 5,4
APJE 287,9
Prime naissance 614,4
Allocation base 3 445,7
Sous-total 2 819,7 Sous-total 4 353,5
APE 3 033,6 APE 442,1
CLCA 1 974,3
COLCA 0,8
Sous-total 3 033,6 Sous-total 2 417,2
AFEAMA 2 168,1 AFEAMA 838,3
CMG AM 2 623,2
Sous-total 2 168,1 Sous-total 3 461,5
AGED 113,3 AGED 54,4
CMG garde domicile 153,9
Sous-total 113,3 Sous-total 208,3
TOTAL 8 134,8 TOTAL 10 440,6
Source : Cour des comptes d’après données CNAF
A ces chiffres il convient de rajouter environ 2,6 Md€ en 2007
correspondant à la prise en charge par la branche famille des cotisations
LES AIDES A LA GARDE DES JEUNES ENFANTS 339
retraites des parents bénéficiaires d’une allocation de compensation de
perte de ressources (assurance vieillesse des parents au foyer, AVPF)353.
B – Une réglementation qui reste complexe
1 – L’impact de la création de la PAJE sur la branche famille
Bien que les différents types de prestations de l’ancienne gamme
soient désormais regroupés sous la dénomination enveloppante de PAJE,
chacune continue d’être régie par ses règles propres, souvent plus
complexes que les règles applicables aux prestations antérieures.
La réforme de la PAJE a fait l’objet d’une préparation en amont
entre l’Etat et la CNAF qui a permis d’adapter à temps la gestion et les
outils informatiques des CAF. Cette démarche partenariale n’a toutefois
pas été étendue à l’ensemble des autres acteurs concernés, comme les
professionnels de la petite enfance au plan local, ce qui aurait permis
d’identifier avant sa mise en place certaines lacunes du dispositif. En tout
état de cause, les règles relatives aux conditions d’accès aux prestations,
au calcul des droits, aux règles de saisie des salaires versés aux assistantes
maternelles et à la fin des versements restent difficiles à assimiler aussi
bien pour les usagers que pour les techniciens conseils des CAF qui ont
dû, au départ, assimiler une circulaire de 90 pages.
Début 2004, la CNAF a cherché à chiffrer l’impact de la création
de la PAJE sur ses coûts de gestion. Elle a évalué à 4,71 M€ les surcoûts
ponctuels liés à la mise en oeuvre de la réforme. En contrepartie, elle a
estimé que les coûts de gestion de la PAJE seraient réduits de 6,38 M€
par an par rapport à ceux des aides antérieures. Cette analyse ex ante est
restée partielle : en particulier, elle n’a pas inclus les investissements
réalisés dans le cadre de PAJE Emploi. Surtout, il n’a pas été procédé à
un bilan ex post. La diminution annoncée des coûts de gestion, qui devait
se traduire par une réduction importante des charges directes des
personnels, n’est pas mesurée.
2 – La perception de la PAJE par ses bénéficiaires
Des simplifications réelles sont intervenues dans la liquidation et le
paiement des prestations. Les formalités administratives liées au paiement
des assistantes maternelles et des gardes à domicile ont été allégées avec
la mise en place du service « PAJE Emploi » au sein du réseau des
353. La branche famille verse les cotisations à la branche vieillesse pour le compte
des parents percevant l’APE, le COLCA ou le CLCA.
340 COUR DES COMPTES
URSSAF. Le nombre de « télé déclarants» est passé de 13 000 en 2004 à
61 500 en 2006, sur un total de bénéficiaires du CMG d’environ 460 000.
Le pourcentage de déclarations de volets sociaux par internet est passé de
12 % dans les premiers mois de 2004 à 70 % en septembre 2007. Les
éléments de paie sont ainsi traités par l’URSSAF, les CAF se concentrant
sur les aides.
A la demande de la CNAF et en liaison avec la DREES, une
enquête téléphonique a été faite par le CREDOC auprès de 3 000
bénéficiaires de la PAJE en septembre et octobre 2005. Il ressort des
réponses que si la PAJE est considérée comme plus simple pour
beaucoup, pour 21 % «c’est plus compliqué ». D’après l’analyse faite par
la CNAF, ce sont principalement les bénéficiaires du CLCA qui trouvent
cette prestation plus complexe que l’APE.
II - Un dispositif plus coûteux que prévu
A – Un surcoût minoré
Le PLFSS 2004 chiffrait le surcoût de la PAJE par rapport aux
prestations antérieures à 800 M€ au terme de la montée en charge du
dispositif. La CNAF, de son côté, prévoyait à cette époque une dépense
supplémentaire à terme un peu plus élevée, comprise entre 1,2 Md€ et
900 M€, ce deuxième chiffre étant obtenu en faisant l’hypothèse que le
resserrement des conditions d’activité antérieures requises pour bénéficier
du CLCA allait réduire le nombre de bénéficiaires, engendrant ainsi une
économie de 150 M€354.
La CNAF estime désormais le surcoût de la PAJE par rapport aux
anciennes prestations à 1,77 Md€ pour 2007 et à 2,021 Md€ en 2009 à
l’issue de sa montée en charge (en euros constants c’est-à-dire hors effet
de revalorisation des barèmes, donc à SMIC et à base mensuelle des
allocations familiales -BMAF- constants).
354. Chiffre DREES utilisé par la CNAF.
LES AIDES A LA GARDE DES JEUNES ENFANTS 341
Surcoût estimé de la PAJE par rapport aux prestations antérieures
(données tous régimes : BMAF et SMIC 2003)
En M€ constants
2005 2006 2007 2008* 2009*
PAJE Prime, allocation de base,
CLCA, APJE, APE, allocation
d’adoption
380 578 668 720 720
Dont COLCA 1 15 16 16
CMG assistantes maternelles,
AFEAMA
393 808 1 009 1 138 1 168
CMG garde à domicile, AGED 43 82 93 121 133
Surcoût total 816 1 468 1 770 1 979 2 021
Dont coût différentiel hors COLCA 1 468 1 755 1 963 2 004
*Prévisions
Source : CNAF
Près des deux tiers de ce surcoût concernent les prestations de
garde (CMG assistante maternelle et CMG garde à domicile).
B – Des prévisions mal fondées
L’écart entre les prévisions financières de 2007 (2 021 M€ à l’issue
de la montée en charge, en 2009) et celles annoncées en 2003 par le
PLFSS (800 M€) s’explique notamment par le défaut de réalisme des
évaluations initiales :
- le nombre de familles bénéficiaires de la prime de naissance/adoption
et de l’allocation de base a été sous-estimé. Compte tenu de la
revalorisation de 37 % du plafond de ressources pour l’allocation de
base, le PLFSS estimait à 200 000 le nombre de familles
supplémentaires bénéficiaires de l’allocation de base. Il a été en réalité
de 285 000355, soit un surcoût de 250 M€ ;
- les effets de la restriction des conditions d’activité antérieure pour
bénéficier du CLCA ont été surestimés. Alors que la DREES prévoyait
que ce durcissement réduirait les coûts de 150 M€, celui-ci n’aurait
permis de réaliser qu’une économie de 90 M€ ;
- en ce qui concerne l’écart de 750 M€ entre les prévisions de dépenses
sur le CMG assistantes maternelles et les dépenses constatées en 2007,
une partie (250 M€) provient de deux éléments mal pris en compte
dans les prévisions : d’une part, les indemnités d’entretien versées aux
355. Le nombre total de familles bénéficiaires est de 435 000 mais 150 000 d’entre
elles bénéficient du CLCA et n’entrent pas dans le calcul du surcoût par rapport à
l’APJE.
342 COUR DES COMPTES
assistantes maternelles, qui rentrent depuis la PAJE dans la base du
calcul des aides aux familles, n’avaient pas été intégrées dans les
prévisions de dépenses. Selon la CNAF, cet effet était difficile à
quantifier avec précision faute d’informations solides à l’époque sur le
montant de ces indemnités. D’autre part, la prise en charge des
cotisations sociales assises sur les salaires des assistantes maternelles
(volet cotisations du CMG) a été sous-estimée, du fait de la
progression de la rémunération des assistantes maternelles dans le
contexte de la revalorisation de leur statut via la convention collective
de janvier 2005 et de la meilleure solvabilisation des familles par la
PAJE ;
- surtout, les chiffrages de 2003 ont été faits en prenant pour hypothèse
un comportement constant des familles, c’est-à-dire sans anticiper les
évolutions que la revalorisation des prestations devait susciter. Ainsi,
ni les conséquences du développement du CLCA à temps partiel,
fortement revalorisé par rapport à l’APE à temps partiel, ni surtout
celles de la forte progression des modes de garde individuels (CMG),
n’ont été correctement appréciées. Le surcoût total de 1,3 Md€ 2003
constaté sur les compléments mode de garde par rapport aux
prestations antérieures (cf tableau supra) est dû, pour 800 M€ 2003, à
un impact mécanique (revalorisation) et pour 500 M€, à des effets de
comportement. Sans doute, l’anticipation d’une évolution de
comportements individuels relève-t-elle d’un exercice difficile ; il n’en
demeure pas moins que le choix de réaliser des chiffrages à
comportement constant est contestable, dans la mesure où l’un des
principaux objectifs de la PAJE était précisément d’inciter les ménages
à recourir à des modes de garde rémunérés ou à conserver un travail à
temps partiel. L’hypothèse d’un comportement constant des familles
conduisait nécessairement à minimiser le surcoût de la PAJE.
Par ailleurs, les prévisions avaient été faites en supposant inchangé
le nombre de naissances, ce qui n’a pas été le cas.
Ainsi, alors que la dégradation de la situation financière de la
branche famille, déficitaire pour la première fois en 2004, était connue
dès la préparation du PLFSS 2004, les promoteurs de la PAJE n’ont pas
cherché à évaluer son coût avec réalisme : les éléments susceptibles de
générer un surcoût n’ont pas toujours été intégrés dans les prévisions au
motif qu’ils étaient difficilement chiffrables. Mais à l’inverse, les
éléments susceptibles d’engendrer des économies ont été trop largement
pris en compte, alors même qu’ils étaient tout aussi difficiles à estimer.
LES AIDES A LA GARDE DES JEUNES ENFANTS 343
C – L’absence de mesures financières correctrices
Dans le cadre de la préparation des PLFSS postérieurs à la création
de la PAJE, plusieurs pistes d’économies ont été envisagées aux cours des
étés 2005, 2006 et 2007 : le durcissement des conditions d’activité
antérieures pour le CLCA ; la baisse de 20 % du plafond de ressources de
la PAJE ; la suppression des majorations du plafond de ressources pour
enfants à charge ; pour le CMG : la suppression de la prise en charge
partielle de la rémunération pour les familles situées dans la tranche
supérieure des revenus ou l’augmentation du coût pour ces familles.
Ces propositions n’ont pas été retenues par le gouvernement ;
l’unique mesure d’économie décidée a été l’annulation du basculement
dans la PAJE des bénéficiaires de l’AFEAMA et de l’AGED au
1er janvier 2007. Cette annulation a permis une réduction des surcoûts de
l’ordre de 190 M€ en 2007, 180 M€ en 2008 et 70 M€ en 2009, au prix de
quelques coûts de gestion supplémentaires (45 % des économies de
gestion prévus dans la COG 2005 2008).
Au contraire, la revalorisation de 50 € par mois du CMG
« assistantes maternelles » pour les familles situées dans la tranche
inférieure de revenus, décidée dans le cadre du PLFSS 2008, devrait
générer une dépense supplémentaire de 37 M€.
III - Le libre choix d’activité
L’un des objectifs fixés à la PAJE était de continuer à offrir aux
parents la possibilité de se retirer temporairement du marché du travail
pour se consacrer à leur enfant, sans toutefois que ce choix réduise
l’employabilité des femmes. Dans le cadre de la stratégie de l’Union
européenne décidée à Lisbonne en 2000, la France doit en effet accroître
le taux d’emploi des femmes.
A – Le succès du CLCA à taux réduit auprès des
familles favorisées
Le nombre de bénéficiaires d’une compensation de revenus pour
congé parental (APE puis CLCA) a progressé de 14 % entre 2003 et 2006
(régime général uniquement). Cette augmentation est essentiellement due
à la progression du nombre de bénéficiaires d’un CLCA à taux réduit
versé en cas de travail à temps partiel, le nombre de familles bénéficiant
d’un CLCA ou de l’APE à taux plein étant resté à peu près stable.
344 COUR DES COMPTES
L’essor du CLCA à taux réduit est la conséquence directe de la
revalorisation de son montant de 15 % par rapport à celui de l’APE. Il a
surtout profité aux classes moyennes et aisées : parmi les bénéficiaires du
CLCA de rang 1 à taux réduit, 34 % sont des professions intermédiaires,
25 % des ouvriers et 20 % des cadres. En termes de revenus, 41 %
disposent de revenus très élevés, 31 % de revenus élevés et 20 % de
revenus moyens356.
Ainsi, le CLCA à taux réduit ne s’est pas développé par
substitution au CLCA à taux plein pour éviter aux femmes de se retirer
totalement du marché du travail, mais a incité d’autres femmes,
principalement dans les familles favorisées, à alléger leur activité
professionnelle. Pour elles, le recours au CLCA à taux réduit constitue un
congé de maternité prolongé, qui leur permet en outre de bénéficier d’une
aide à la garde : 41 % des bénéficiaires d’un CLCA à taux partiel
perçoivent également un CMG.
Au final, le succès du CLCA à taux partiel est dû plus à la
revalorisation du CMG qu’à la majoration du CLCA à taux réduit. La
revalorisation du CLCA à taux réduit a donc manqué sa cible et constitue
à cet égard un avantage important pour les familles les plus aisées.
B – Le recours au CLCA à taux plein, un choix
souvent contraint
Parmi les bénéficiaires du CLCA de rang 1 à taux plein figurent
principalement des ouvriers (31 %), des professions intermédiaires
(23 %) et des employés (20 %). L’écart est plus marqué pour le CLCA de
rang 2 : 42 % sont des ouvriers et 50 % disposent de revenus faibles ou
très faibles.
Ainsi, à la différence des parents bénéficiaires du CLCA à taux
réduit, les parents bénéficiaires du CLCA à taux plein sont principalement
des femmes peu diplômées et disposant de faibles revenus. Pour elles, le
retrait du marché du travail est fréquemment un choix contraint.
Selon l’enquête CREDOC précitée, 15 % des allocataires du
CLCA à taux plein avancent le coût trop élevé des modes de garde
payants comme la principale raison de leur choix et 67 % citent cette
raison comme ayant compté dans leur choix. Les bénéficiaires du CLCA
pour une seconde naissance et plus sont particulièrement nombreuses à
évoquer cette raison. Au total, quatre bénéficiaires du CLCA sur dix
356. Source : DREES, Etude et résultats n° 510, août 2006 ; échelle de revenus par
quintile.
LES AIDES A LA GARDE DES JEUNES ENFANTS 345
déclarent qu’elles auraient aimé continuer à travailler. Un tiers des
bénéficiaires du CLCA de rang 2 et 23 % des bénéficiaires de rang 1 ne
travaillaient pas avant la naissance, allaient démissionner ou être
licenciées.
C – Le maintien des difficultés de retour à l’emploi
1 – L’échec du COLCA
Mis en place en juillet 2006, le complément optionnel de libre
choix d’activité (COLCA) offre aux familles ayant la charge d’au moins
trois enfants, sous condition d’activité professionnelle antérieure, de
bénéficier d’un congé plus court que le CLCA (un an au lieu de trois)
mais mieux rémunéré.
Ce dispositif, qui était destiné à inciter les femmes à se retirer
moins longtemps du marché du travail, n’a pas eu jusqu’à ce jour le
succès escompté. Au 30 septembre 2007, on dénombrait seulement 2 407
bénéficiaires du COLCA en France métropolitaine alors que les
prévisions faisaient état de 50 000 bénéficiaires. Cet échec est
vraisemblablement dû au fait que la durée du COLCA est jugée trop
courte (du congé de un an doivent en effet être déduits le congé maternité
et les éventuels congés payés) et qu’il est réservé aux familles de trois
enfants.
2 – Des difficultés de retour à l’emploi mal mesurées et peu
prises en compte
La proportion de femmes retrouvant un emploi après une période
de CLCA ou de COLCA n’est pas mesurée. Cet indicateur, prévu par le
programme de qualité et d’efficience annexé au PLFSS 2008 (indicateur
3.6) ne devrait être renseigné qu’à partir de 2009.
En dehors de la création du COLCA, aucune mesure concrète n’a
été mise en oeuvre pour améliorer le retour à l’emploi des bénéficiaires
d’un congé parental et pour limiter l’éloignement de ces personnes du
marché du travail. Pourtant, la France a un taux d’emploi féminin
inférieur aux objectifs européens fixés à Lisbonne et l’emploi des parents
est le meilleur moyen de prémunir les enfants de la pauvreté.
En conclusion, l’échec du COLCA et la non diminution de la
cessation totale d’activité au profit d’une activité réduite plaident pour
une réduction de la durée du CLCA et le resserrement des conditions
d’activité ouvrant droit au CLCA afin d’éviter l’éloignement durable des
346 COUR DES COMPTES
mères du marché du travail357. Ces mesures prendraient tout leur sens si
elles se couplaient à une plus grande facilité pour les familles les moins
aisées de disposer d’une offre de garde disponible, à un coût abordable.
IV - Le libre choix du mode de garde
A – La revalorisation des aides à la garde individuelle
1 – Des objectifs insuffisamment précisés
La création de la PAJE visait à permettre le libre choix des familles
en revalorisant les prestations à la garde individuelle, mais sans que cet
objectif ait véritablement été précisé en termes de nombre d’enfants ainsi
gardés358.
2 – La réduction du reste à charge des familles, une donnée mal
mesurée
Il est difficile d’évaluer l’impact de la PAJE sur le reste à charge
des familles. En premier lieu, ni la CNAF ni le ministère ne semblent
disposer de données sur l’évolution des taux d’effort entre 2002 et 2004 :
les données communiquées, qui figurent ci-après, proviennent de deux
sources différentes et doivent donc être interprétées avec précaution359.
Par ailleurs, la création de la PAJE a été accompagnée de plusieurs
mesures d’allègements fiscaux, résumées dans l’encadré suivant, si bien
qu’il est difficile de distinguer l’impact de la PAJE de celui de ces
mesures fiscales complémentaires.
357. Cf. RALFSS 2007 : Les aides publiques aux familles, p. 364 et 365.
358. En outre, le programme de qualité et d’efficience (PQE) mentionne un objectif
de « renforcement de la liberté de choix », sans que l’on sache si l’objectif est, à
revenu donné, une meilleure corrélation entre le taux d’effort et le coût pour la
collectivité des différents modes de garde, ou bien, pour un mode de garde donné,
l’harmonisation des taux d’effort selon les revenus.
359. PLFSS 2008 (annexe 1 PQE) pour les années 2004 à 2007, chiffres CNAF cités
dans le rapport du groupe de travail Prestation d’accueil du jeune enfant, remis au
ministre en février 2003 (pp.101 et 102) pour l’année 2002.
LES AIDES A LA GARDE DES JEUNES ENFANTS 347
Crédit d’impôt pour garde d’enfant à l’extérieur du domicile
Les frais de garde engagés à l’extérieur du domicile (nets des aides
PAJE reçues) pour des enfants âgés de moins de six ans donnent lieu à un
crédit d’impôt. Alors que l’aide accordée était initialement une réduction
d’impôt, ce qui favorisait les ménages ayant les plus hauts revenus, elle a
été transformée en crédit d’impôt en 2005. En 2006, son taux a été doublé
pour atteindre 50 % des dépenses, limitées à 2 300 € par enfant et par an
(article 200 quater B du CGI).
Le coût de cette mesure était de 260 M€ en 2005 et de 350 M€ en
2006. Le coût prévisionnel de cette mesure était estimé à 800 M€ pour
2007. Ces chiffres concernent tous les enfants de moins de six ans.
Le crédit d’impôt pour l’emploi d’une garde à domicile
Les frais d’emploi d’un salarié à domicile (non diminués des aides
PAJE) ouvrent droit à d’un crédit d’impôt égal à 50 % du montant des
dépenses, retenues dans la limite d’un plafond de 12 000 € (majoré de
1 500 € par enfant à charge dans la limite totale de 15 000 €). Cette mesure
bénéficie notamment aux familles ayant recours à une garde à domicile
pour faire garder leurs enfants. Cette aide, qui était initialement une
réduction d’impôt, a été transformée en crédit d’impôt à compter de
l’imposition des revenus 2007 pour les contribuables qui exercent une
activité professionnelle ou sont inscrits comme demandeurs d’emploi
depuis au moins 3 mois.
D’après les estimations de l’observatoire national de la petite
enfance, le montant total des dépenses fiscales pour emplois familiaux
(garde à domicile, personnel de maison...) des foyers comprenant un
enfant de moins de 3 ans représentait environ 220 M€ en 2005. Parmi ces
dépenses, le montant des dépenses fiscales correspondant à de la garde à
domicile représenterait 83 M€.
Exonération partielle des cotisations patronales
Depuis 2006, la loi du 26 juillet 2005 relative au développement
des aides à la personne a prévu une exonération de 15 points de cotisations
patronales, compensée par le budget de l’Etat, pour les particuliers
employeurs qui acquittent les cotisations sur la base de l’assiette réelle et
la possibilité pour les entreprises d’abonder le CESU au bénéfice de leurs
salariés et de déduire cet abondement au titre du crédit d’impôt famille
créé en LFI 2003.
Enfin, les données sur les restes à charge présentées ci-après
correspondent à des cas types théoriques 360 . En particulier, ils font
l’hypothèse que la rémunération des assistantes maternelles et des gardes
à domicile est restée inchangée, ce qui n’est pas le cas.
360. Les PQE retiennent l’hypothèse de couples parents bi-actifs avec un enfant.
348 COUR DES COMPTES
Sous ces réserves, dans le cas d’une garde par une assistante
maternelle, l’effort financier des familles a été sensiblement réduit lors de
la mise en place de la PAJE. Le taux d’effort361 des familles disposant
d’un revenu égal au SMIC, qui était de 27,5 % en 2002, serait ainsi passé
à 12,3 % en 2004. Celui des familles disposant de trois SMIC et
plus aurait baissé de 9,9 % en 2002 à 7,1 % en 2004. Ces chiffres doivent
être pris avec précaution dans la mesure où ils ne tiennent pas compte de
la forte augmentation du salaire des assistantes maternelles (+36 % en
euros courants contre +26 % pour le SMIC) constatée entre mars 2000 et
juillet 2006362, ni des forts écarts constatés363.
Taux d’effort en cas de garde par une assistante maternelle
1 SMIC 3 SMIC 6 SMIC
Coût pour la famille NC NC NC
2002
Taux d’effort 27,5 % 9,9 % NC
Coût pour la famille 130 € 200 € 284 €
2004
Taux d’effort 12,3 % 7,1 % 5,4 %
Coût pour la famille 131 € 208 € 297 €
2005
Taux d’effort 11,9 % 7,0 % 5,3 %
Coût pour la famille 103 € 156 € 259€
2006
Taux d’effort 9,1 % 5,1 % 4,5 %
Coût pour la famille 106 € 161 € 268 €
Prévision 2007
Taux d’effort 9,0 % 5,1 % 4,5 %
NB : hypothèse 20 jours de garde par mois, salaire des assistantes maternelle de 3,5
SMIC horaire/j en 2005.
Source : PLFSS 2008 – annexe 1 PQE
En comparant dans une étude récente sur l’année 2005 la situation
de deux familles dont l’une bénéficie de la PAJE et l’autre des prestations
antérieures, la CNAF a constaté les mêmes évolutions : une réduction du
taux d’effort de 25 à 13 % pour les familles à un SMIC de revenu et un
taux d’effort constant de 6 % pour les familles ayant 5 SMIC de revenu.
En ce qui concerne les établissements d’accueil de jeunes
enfants364 (EAJE), on note une même évolution à la baisse du taux
d’effort, non imputable à la PAJE, mais plutôt aux mesures fiscales.
361. Equivalent au pourcentage du reste à charge par rapport au revenu disponible.
362 Les assistantes maternelles en 2005, Etudes et résultats n° 581, juin 2007.
363. Le salaire journalier d’une assistante maternelle, pour une journée de huit heures,
peut varier entre 2,25 SMIC horaire (18,96 € au 1er janvier 2008) et 5 SMIC horaire
(42,20 €).
364. Cette dénomination regroupe diverses catégories d'établissements qui ont en
commun d'être spécialement conçus et aménagés pour recevoir dans la journée,
LES AIDES A LA GARDE DES JEUNES ENFANTS 349
Taux d’effort en cas de garde en EAJE
1 SMIC 3 SMIC 6 SMIC
Coût pour la famille NC NC NC
2002
Taux d’effort 10,4 % 8,7 % NC
Coût pour la famille 89 € 218 € 357 €
2004
Taux d’effort 8,4 % 7,8 % 6,8 %
Coût pour la famille 70 € 237 € 364 €
2005
Taux d’effort 6,4 % 7,9 % 6,5 %
Coût pour la famille 49 € 197 € 323 €
2006
Taux d’effort 4,3 % 6,4 % 5,5 %
Coût pour la famille 50 € 206 € 330 €
Prévision 2007
Taux d’effort 4,3 % 6,5 % 5,5 %
Source : PLFSS 2008 – annexe 1 PQE
En ce qui concerne la garde à domicile, la PAJE n’a pas diminué le
taux d’effort des parents : pour les familles disposant d’un SMIC, le
recours à une garde à domicile, qui était financièrement inabordable en
2002, l’est tout autant en 2004. Pour les familles disposant de trois SMIC,
le taux d’effort serait passé de 36,5 % (hors APJE) en 2002 à 45,5 % en
2004. En revanche, les mesures fiscales de 2005 et 2006 ont permis aux
ménages disposant d’un revenu égal à trois SMIC de réduire leur taux
d’effort de 38,6 % à 25 %. L’emploi d’une garde à domicile reste de fait
utilisé par les familles disposant des plus hauts revenus, leur taux d’effort
étant le moins élevé.
Taux d’effort en cas de garde à domicile
1 SMIC 3 SMIC 6 SMIC
Coût pour la famille NC NC NC
2002
Taux d’effort Impossible 36,5 % NC
Coût pour la famille 1 277 € 1 281 € 931€
2004
Taux d’effort 121,3 % 45,5 % 17,6%
Coût pour la famille 1 374 € 1 354 € 1 019 €
2005
Taux d’effort 125,3 % 46,1 % 18,2%
Coût pour la famille 1 210 € 1 191 € 858 €
2006
Taux d’effort 106,2 % 38,6 % 14,7%
Coût pour la famille 684 € 791 € 898 €
Prévision 2007
Taux d’effort 58,4 % 25,0 % 15,0%
Source : PLFSS 2008 – annexe 1 PQE
collectivement, de façon régulière ou occasionnelle les enfants de moins de 6 ans.
350 COUR DES COMPTES
3 – L’absence de corrélation entre les taux d’effort, les revenus et
le coût pour la société des modes de garde
La dispersion des taux d’effort observée en fonction des revenus et
des modes de garde n’est pas cohérente sur le plan de l’équité : à
l’exception des EAJE, le taux d’effort des familles est d’autant plus
important que les revenus des familles sont faibles. Pour les EAJE, le
taux d’effort augmente quand le revenu du foyer passe de un à trois SMIC
puis il diminue quand il est de six SMIC (impact du barème national
fonction des revenus).
La dispersion des taux d’effort n’est pas non plus cohérente du
point de vue de la bonne utilisation des fonds publics, qui supposerait que
le coût pour la collectivité baisse plus fortement quand les revenus des
familles augmentent.
Coût par enfant des différentes modes de garde en 2007 selon le revenu
de la famille
En €
Assistante
maternelle
Garde à
domicile
Garde partagée EAJE
Coût mensuel total 863 2 255 1 128 1 372
Couple bi-actif 1 SMIC
Coût famille 106 684 218 50
Coût collectivité 757 1 571 910 1 322
Couple bi-actif 3 SMIC
Coût famille 161 791 271 206
Coût collectivité 702 1 464 857 1 166
Couple bi-actif 6 SMIC
Coût famille 268 898 325 330
Coût collectivité 595 1 357 803 1 042
Source : PLFSS 2008 – annexe 1 PQE
Le tableau ci-dessus doit être interprété avec précaution : ces
données tendent à minorer le coût total d’une garde par une assistante
maternelle, puisque les avantages fiscaux dont elles bénéficient ne sont
pas intégrés dans le coût pour la collectivité.
Sous ces réserves, ce tableau indique que pour un ménage
disposant d’un revenu égal à un SMIC, le recours à un établissement
d’accueil collectif est le mode de garde le moins coûteux pour la famille,
alors qu’il est coûteux pour la collectivité (1 322 € en 2007). Pour les
familles disposant d’un revenu égal à six SMIC, le recours à une
assistante maternelle permet de minimiser le coût pour la famille (268 €),
mais ces familles ont également intérêt à recourir à la garde à domicile
LES AIDES A LA GARDE DES JEUNES ENFANTS 351
partagée (325 €) et à la crèche (330 €), qui constituent des modes de
garde plus onéreux pour la collectivité (respectivement 803 € et 1 042 €).
B – Un libre choix qui se heurte à l’insuffisance de
l’offre de garde
La PAJE, qui visait à mieux solvabiliser les familles, laisse entière
la question de l’offre de garde, dont le développement relève d’autres
acteurs et d’autres dispositifs. Le déséquilibre entre l’offre de garde et la
demande a été aggravé par le dynamisme de la natalité observé depuis
2003 et un resserrement de la scolarisation des enfants de 2-3 ans.
Les commissions départementales d’accueil des jeunes enfants
(CDAJE), créées par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et
médico-sociale, avaient notamment pour mission d’identifier les besoins
et de coordonner le développement de l’offre de garde. Or, ces commissions
peinent à se mettre en place et à jouer un rôle opérationnel365.
1 – La garde par les assistantes maternelles
Ce mode de garde est peu coûteux pour la collectivité. Pourtant, le
nombre d’assistantes maternelles agréées, qui avait augmenté au moment
de la mise en place de l’AFEAMA (132 000 en 1990, 338 000 en 2000),
plafonne depuis 2004. Le taux d’exercice de la profession plafonne
également : il est passé de 54 % en 1990, à 69,8 % en 2003 et à 70,2 % en
2005. Enfin, le chômage, perceptible notamment dans certains quartiers
sensibles, est mal identifié : au niveau statistique, le taux de non exercice
recouvre à la fois les assistantes maternelles ne désirant pas exercer et
celles qui sont au chômage. Au total, le nombre de places auprès
d’assistantes maternelles exerçant leur activité, estimé à 689 200 en 2005,
a progressé de 2,9 % par an entre 2003 et 2005, ce qui correspond au taux
de croissance de la natalité entre 2005 et 2006. Le grand nombre de
départs à la retraite prévu dans les prochaines années (environ 80 000
d’ici 2015) va encore aggraver le déséquilibre.
Aucune étude n’a été réalisée pour comprendre les raisons de la
faible progression du nombre d’assistantes maternelles agréées et la
stagnation du taux d’exercice, alors même que la réforme statutaire de
2005 et la mise en place de la PAJE auraient dû conduire à une
augmentation des effectifs de la profession.
365. Elles n’avaient été mises en place fin 2007 que dans 60 départements.
352 COUR DES COMPTES
Plusieurs facteurs explicatifs sont néanmoins avancés tels que les
délais administratifs pour l’obtention d’un agrément et les normes de
logement exigeantes qui sont imposées, ainsi que certaines difficultés
d’exercice de la profession ou le caractère plus rémunérateur des
indemnités chômage par rapport à la rémunération d’assistante
maternelle.
Afin de réduire le chômage des assistantes maternelles, certaines
communes autorisent des rassemblements d’assistantes maternelles dans
des locaux, transformés en crèches familiales « sauvages ». Mais des
solutions pérennes devraient être envisagées telles que l’augmentation des
aides à la mise aux normes des habitations ou la réforme du cadre
juridique des crèches familiales pour permettre la mise à disposition de
locaux à des assistantes maternelles.
2 – La garde à domicile
Cette solution est de loin la plus onéreuse par enfant gardé. Elle
bénéficie surtout aux familles aisées qui cumulent les allocations PAJE
avec des réductions d’impôts.
Toutefois, le recensement exhaustif du nombre d’enfants ainsi pris
en charge et des personnes qui s’en occupent est difficile en l’absence
d’agrément préalable des gardes et de la méconnaissance du nombre de
familles qui ne perçoivent pas d’aides de la CNAF. En outre, la réduction
d’impôts accordée pour emploi de personnels à domicile ne distingue pas
la population des gardes d’enfants de celle exerçant d’autres types
d’activités.
Les aides directes versées ont augmenté en euros constants de
75 % entre 2003 et 2006 (119 M€ contre 208 M€) et les sommes
moyennes versées à chaque famille par les CAF ont augmenté de 17 %
par an en moyenne (de 2 245€ par an en 2003 à 3 558 € en 2006).
3 – Les établissements d’accueil des jeunes enfants
Depuis 2000, le soutien au développement de l’accueil des jeunes
enfants a connu une progression avec la mise en place de quatre dotations
spécifiques visant à soutenir l’investissement dans les structures
d’accueil : le fonds d’investissement à la petite enfance (FIPE); l’aide
exceptionnelle à l’investissement (AEI) ; le dispositif d’aide à
l’investissement petite enfance (DAIPE) ; le dispositif d’investissement
petite enfance (DIPE). Le montant total de ces quatre fonds représentait
pour la CNAF une dépense de 822 M€ dont quelque 98 % étaient engagés
mi-2007. A ces sommes, il faut ajouter 129 M€ versés directement par les
LES AIDES A LA GARDE DES JEUNES ENFANTS 353
CAF à partir de leurs ressources propres. Les financements totaux
apportés par les différents acteurs sont évalués par la CNAF à 2 252 M€.
Ces quatre plans crèches devaient permettre de créer au moins
75 000 nouvelles places entre 2000 et 2007. Ces objectifs n’ont pas été
atteints : le nombre de places disponibles en garde collective et en crèche
familiale n’a augmenté que de 37 800 sur cette période en métropole,
environ 2 % par an, soit à peine le taux d’augmentation de la natalité.
Cette faible progression est due à plusieurs facteurs :
- le retard des plans crèches : sur les 75 000 places annoncées, 32 280
ne seront créées que de 2007 à 2011. Le délai moyen d’ouverture au
public après la décision de financement étant de 27 mois, le dernier
plan datant de mi 2005, le nombre des places créées auraient dû être
plus important ;
- des places, dites nouvelles, sont en fait parfois des places anciennes
rénovées ou « relabellisées » c'est-à-dire appelées places de multiaccueil
au lieu de places en crèches ou haltes-garderies ;
- le nombre important des fermetures de places en crèche, de l’ordre de
2 000 à 3 000 par an, en particulier pour non respect des normes.
Par ailleurs, les statistiques ne permettent pas de distinguer les
places créées des places réellement ouvertes. Le manque d’encadrement
et de personnels, la difficulté pour les communes ou les associations de
gérer ces personnels dont les horaires sont souvent morcelés ainsi que le
niveau du déficit par place à combler par le gestionnaire de la structure
constituent très souvent un obstacle à l’ouverture effective des places. Il
serait nécessaire d’approfondir les raisons des difficultés de recrutement
rencontrées par un grand nombre d’établissements (formation des
personnels, règles d’accès à la profession, manque de passerelles,
rémunération, etc.) dans un secteur qui constitue pourtant un important
gisement d’emplois. Certaines de ces difficultés perdurent après
l’ouverture des places, de sorte que le taux de remplissage des places
ouvertes, toutes structures confondues, n’est que de 67 % (France
métropolitaine).
Les entreprises de crèche contribuent désormais au développement
de l’offre même si, au départ, toutes les conditions n’étaient pas réunies
pour faciliter le développement de leur activité. L’acceptation culturelle
par les CAF et les collectivités territoriales de cette forme de partenariat a
354 COUR DES COMPTES
permis récemment d’accélérer l’implantation de cette offre, qui s’appuie
sur le crédit d’impôt famille366.
4 – La scolarisation des enfants de 2 ans
Le taux de scolarisation des 2-3 ans a diminué de 27 % entre 2003
et 2007 (-29 % dans le public, -18 % dans le privé). Ce sont donc
63 335 enfants qui ont dû être pris en charge par d’autres moyens : ce
chiffre correspond à la quasi-totalité des places créées auprès des
assistantes maternelles et en EAJE depuis 2000. C’est ainsi que dans le
département de la Seine-Saint-Denis, le taux de scolarisation à deux ans
est passé de 22 % en 1999 à 8 % en 2006. A la rentrée 2005, 5 000
enfants étaient en attente de scolarisation en maternelle, dont 300 avaient
plus de trois ans. Au 30 juin 2005, 645 enfants de plus de trois ans étaient
en crèche, faute de place à l’école maternelle.
Cette évolution apparaît peu cohérente au regard de la bonne
utilisation de l’argent public : le coût par enfant est moindre s’il est
accueilli en maternelle plutôt qu’en EAJE (13 368 € en 2006 en EAJE,
contre 4 570 € en maternelle, hors périscolaire367).
Quelles que soient les motivations, pédagogiques ou financières,
ayant conduit le ministère de l’éducation nationale à se désengager de la
scolarisation des enfants de deux ans, il conviendrait que les objectifs de
l’Etat soient clairement explicités et que les différents acteurs concernés
par la garde des jeunes enfants (éducation nationale, CNAF, collectivités
territoriales) déterminent conjointement, sous la coordination de l’Etat,
les besoins pour l’avenir et des réponses à apporter.
5 – Evolution globale
Globalement, face à l’augmentation de la demande due à la
natalité, à celle du nombre des couples bi actifs et à celle du nombre de
familles monoparentales, la forte diminution de la garde en jardin
d’enfants et surtout en maternelle (-105 000 entre 2003 et 2006) n’a pas
366. Ce crédit d’impôt bénéficie aux entreprises passibles de l’IS ou de l’IR imposées
d'après le bénéfice réel qui exposent des dépenses permettant aux salariés ayant des
enfants à charge de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Le
montant de ce crédit d’impôt est égal à 25 % des dépenses engagées au titre de l'année
civile dans la limite d'un plafond de 500 000 € par an. Il présente l’inconvénient de ne
pas dépendre des effectifs de l’entreprise.
367. Coûts incluant les agents territoriaux spécialisés d’écoles maternelles (ATSEM),
mais pas celui des personnels en charge du périscolaire ni de la cantine.
LES AIDES A LA GARDE DES JEUNES ENFANTS 355
été compensée par un accroissement suffisant de l’accueil par les autres
modes de garde (+88 000), si bien qu’au total, le nombre des enfants
gardés par des parents ou des proches a augmenté de plus de 7 %.
Tableau récapitulatif donnant la répartition par type de garde
2003 2005 2006* Evolution
Nombre enfants 0-3 ans 2 250 000 2 339 000 (2 339 000) +3,96%
Garde en EAJE 303 100 318 900 327 600 +8,08%
Autres formes de garde
collectives (jardins d’enfants
et surtout maternelles)
289 000 199 000 (184 600) -36,12%
Garde par assistance
maternelle (aidée)
460 800 514 800 535 000 +16,33%
Garde à domicile (aidée) 27 400 34 000 (37 300) +36,13%
TOTAL 1 080300 1 066 700 1 085 100 0,44 %
Solde : garde par parents
(indemnisés ou non) et
autres modes de garde
1 169 700 1 272 300 1 253 900 7,20%
*Les chiffres entre parenthèses sont des estimations.
Source : CNAF, DREES, éducation nationale
Ces évolutions, apparaissent décevantes au regard de l’effort
financier supplémentaire engagé par la branche famille: le coût d’un
enfant gardé par un tiers a cru en effet de 60 % entre 2003 et 2006368.
________________________SYNTHESE _________________________
La création de la PAJE s’est avérée beaucoup plus coûteuse que
prévue les prévisions faites en 2003 n’ayant pas été suffisamment
réalistes. Par ailleurs, cette réforme ne s’est pas accompagnée d’une
réflexion sur le niveau des aides financières à la garde d’enfant apportée
par la collectivité selon les modes de gardes et les revenus des familles,
en vue d’une plus grande cohérence du point de vue de l’équité ou de
celui de la bonne utilisation des fonds publics.
La PAJE n’a en outre pas permis d’atteindre l’objectif de
permettre aux familles de choisir le mode de garde de leur enfant.
En effet, l’offre de garde par des tiers a été marquée, au cours des
cinq dernières années, par la faible progression du nombre d’assistantes
maternelles en activité et par la forte baisse du taux de scolarisation des
2-3 ans. En outre, en dépit des plans crèches, le nombre de places
368. En divisant les montants respectifs de 2,3 Md€ en 2003 et 3,7 Md€ en 2006
(montants des prestations versées au titre de la garde des enfants par un tiers) par
1 803 000 enfants gardés en 2003 et 1 085 100 en 2006.
356 COUR DES COMPTES
disponibles en garde collective et en crèche familiale n’a augmenté
que de 37 800 entre 2000 et 2007 (environ 2 % par an), soit à peine le
taux d’augmentation de la natalité. Ces évolutions expliquent que le
pourcentage d’enfants de moins trois ans gardés par les parents et
leurs proches ait légèrement progressé entre 2003 et 2006.
Le recours au CLCA à taux plein reste ainsi un choix contraint
pour un grand nombre de femmes. Faute d’offre de garde, la
revalorisation du CLCA à taux partiel, au lieu de permettre à ces
femmes d’éviter une cessation complète d’activité, a principalement
bénéficié aux femmes des classes moyennes et aisées.
La PAJE n’est donc pas parvenue, malgré son coût élevé, à
résorber l’insuffisance globale de l’offre de garde. Ce constat conduit
à s’interroger sur les modalités de mise en oeuvre et la traduction
financière pour les finances publiques du principe de libre choix.
___________________RECOMMANDATIONS ____________________
45. Renforcer la cohérence des interventions des différents acteurs
concernés par la garde des jeunes enfants (ministère en charge de la
famille, ministère de l’éducation nationale, organismes de sécurité sociale,
collectivités territoriales).
46. Réduire la durée du CLCA afin d’éviter l’éloignement durable des
mères du marché du travail et envisager de revenir sur la revalorisation du
CLCA à temps partiel.
47. Mieux corréler le taux d’effort des familles en fonction de leurs
revenus pour chaque mode de garde.
48. Mieux corréler le coût pour la collectivité et les revenus des familles
de chaque mode de garde en réduisant en particulier l’aide apportée par la
collectivité en matière de garde à domicile.
49. Analyser les raisons de la stagnation du nombre d’agréments et du
taux d’exercice des assistantes maternelles et développer l’accueil dans un
cadre structuré (crèches familiales) ou plus souple (locaux mis à
disposition).